MSF et SOS Méditerranée mettent un terme aux opérations de sauvetage de l’« Aquarius »
Déplorant les « attaques » répétées, les ONG étudient des options pour trouver un nouveau navire. Depuis 2016, le bateau a secouru 30 000 personnes.
L'article du Monde du 07/12/2018
L’Aquarius est devenu le symbole de la crise politique autour de l’accueil des migrants. Il ne le sera bientôt plus. Médecins sans frontières (MSF) et SOS Méditerranée ont annoncé, jeudi 6 décembre, devoir « mettre un terme » aux opérations de sauvetage de leur navire humanitaire, privé de pavillon depuis deux mois.
« Renoncer à l’Aquarius a été une décision extrêmement difficile à prendre », a déclaré dans un communiqué Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS Méditerranée, en déplorant « les attaques incessantes dont le navire et ses équipes ont fait l’objet ». Mais l’ONG établie à Marseille « explore déjà activement les options pour un nouveau navire et un nouveau pavillon », et « étudie sérieusement toutes les propositions d’armateurs qui lui permettraient de poursuivre sa mission de sauvetage ». « Nous refusons de rester les bras croisés sur le rivage alors que des gens continuent de mourir en mer », a assuré M. Penard.
« C’est un jour sombre », a, pour sa part, déploré dans un communiqué distinct Nelke Manders, directrice générale de MSF, pour qui « la fin de nos opérations à bord de l’Aquarius signifie plus de morts en mer ».
Des complications depuis la fermeture des ports italiens
Privé de pavillon par Gibraltar puis par le Panama, l’Aquarius, qui avait commencé ses opérations de sauvetage au large de la Libye en février 2016, s’est retrouvé bloqué à Marseille au début d’octobre dans l’attente d’un registre où s’inscrire. La semaine dernière Berne lui avait refusé le pavillon suisse.
A la fin novembre, la justice italienne avait, pour sa part, demandé le placement sous séquestre du navire pour une affaire de traitement illégal de déchets. Des accusations « disproportionnées et infondées », selon SOS Méditerranée, qui a déploré « dix-huit mois de criminalisation, de décrédibilisation et de diffamation contre les ONG de recherche et de sauvetage », ayant pour résultat d’« encore davantage fragiliser les capacités de sauvetage en mer ».
Depuis le début de ses opérations, l’Aquarius a porté assistance à près de 30 000 personnes. MSF fait cependant état de « 2 133 personnes décédées en Méditerranée » depuis le début de l’année et accuse les gouvernements européens d’avoir « contribué à ces événements tragiques en soutenant les garde-côtes libyens pour intercepter les personnes en mer ». Le navire a vu les obstacles se multiplier depuis que l’Italie, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, a fermé ses ports cet été aux navires humanitaires.
D’autres ONG européennes, comme l’Espagnole Pro Activa Open Arms, continuent de patrouiller ces dernières semaines en Méditerrannée, mais font face à des multiples difficultés.
Des psychodrames diplomatiques durant l’été
L’Aquarius était devenu un symbole de la crise diplomatique autour de l’accueil des migrants en juin, après avoir dû errer pendant une semaine en Méditerranée avec à son bord 630 migrants que l’Italie avait refusé d’accueillir. Après avoir frôlé la Corse, le navire à la coque orange avait pu débarquer à Valence, l’Espagne ayant été convaincue d’ouvrir ses ports par la promesse de plusieurs pays européens de se répartir les réfugiés.
Plusieurs autres opérations de sauvetage en mer avaient déclenché des psychodrames diplomatiques similaires au cours de l’été, forçant une poignée d’Etats européens à improviser pour se répartir les réfugiés, et à réfléchir à un mécanisme plus pérenne.
« La fin des activités promigrants de l’Aquarius, complice des mafias de passeurs, est une excellente nouvelle », a réagi sur Twitter la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, en se réjouissant de ce qu’elle estime être « la fin d’une imposture pseudo-humanitaire, et véritablement immigrationniste ».
Après la perte de son pavillon panaméen, l’Aquarius était arrivé le 4 octobre à Marseille après avoir débarqué 58 personnes à Malte. La France, à qui SOS Méditerranée avait, dans un premier temps, demandé l’autorisation de débarquer les naufragés, avait refusé au nom du principe de « port sûr le plus proche ». MSF a assuré qu’« aussi longtemps que des gens souffriront en Libye », elle « cherchera des moyens de leur porter secours ». « Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin du soutien de tous les citoyens qui croient encore en nos valeurs d’humanité en mer et désirent concourir à nos efforts pour trouver un nouveau navire et un nouveau pavillon », a affirmé Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée France.